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Sucre, stress et comportement alimentaire

Posté le 24 Jan, 2014 dans Articles Santé, Conseils en santé et nutrition au quotidien | 4 commentaires

Sucre, stress et comportement alimentaire

La nature prend son temps : les glucides, couramment mais improprement appelés les sucres, y sont lentement confectionnés lors des phases de maturation des végétaux, sous forme de fructose, amidon, cellulose …, ou des processus de stockage dans les muscles, le foie et la graisse des animaux, sous forme de glycogène et triglycérides. Ils sont ensuite mis à disposition des espèces qui les consomment sous une forme généralement complexe, qui nécessitera un temps de mastication, de digestion, d’assimilation, de transport sanguin, d’utilisation ou de stockage à des fins énergétiques.

Les glucides sont indispensables au fonctionnement de notre organisme. La nature nous les livre sous une forme complexe et riche qui confère aux aliments concernés, outre leur valeur énergétique, des qualités nutritionnelles variées grâce aux micronutriments qui leurs sont associés (minéraux, vitamines …). Cette complexité requière de multiples étapes de transformation pour que les glucides et les micronutriments qui leurs sont associés puissent fournir des apports énergétiques, structurels et fonctionnels chronologiquement adaptés aux besoins de nos cellules.

 

La nature prend son temps, mais pas l’Homme moderne …

A l’époque où tout s’accélère, où la notion de temps disparaît dans l’immédiateté, où la mondialisation des échanges réduit le temps et l’espace, tout devient accessible, disponible, fugace …

Ainsi en va-t-il des glucides.

Depuis la nuit des temps le métabolisme cellulaire répond à une programmation génétique qui lui permet d’adapter les besoins de la cellule et l’offre environnementale. Mais le génome, qui regroupe l’ensemble de nos caractères génétiques et conditionne nos capacités d’adaptation, n’avait pas prévu le raffinage intensif du jus de betterave sucrière il y a deux siècles sous l’impulsion de Napoléon, ni l’avènement de l’industrie sucrière lors de la révolution industrielle, qui voit la production de sucre multipliée par 1 000 entre le XVIIIe et le XXe siècle. En France, les ventes de sucre raffiné sont passées de 5 kg/an/habitant en 1850 à 35 kg/an/habitant dans les années 1970 (100 g/jour/personne) et la consommation moyenne de sucre sous toutes ses formes est en moyenne de 10 à 15 fois plus élevée aujourd’hui qu’au début du XXème siècle.

Sous une blancheur trompeuse, le sucre raffiné, privé de cette synergie d’action, est une agression biologique de nos cellules, responsable de perturbations métaboliques secondaires à la production accrue d’insuline par les cellules bêta du pancréas, et par augmentation des réactions de Maillard, véritable caramélisation des protéines alimentaires, mais aussi par déséquilibre de la balance acides-bases …

Ce que la nature lui a livré sous forme brute et que l’homme consommait de façon modérée a été progressivement raffiné, transformé, distribué, pour conduire au cours du siècle passé à cette explosion de la consommation moyenne de sucre par habitant en France, sous une forme raffinée, quasiment « prédigérée », d’absorption extrêmement rapide. Conséquence inattendue de la révolution industrielle, le métabolisme du sucre et de la sécrétion d’insuline s’est inscrit dans une révolution culturelle et biologique. De produit de nutrition le sucre s’est alors transformé en produit de consommation.

Parallèlement l’accélération du temps, la performance sans cesse recherchée sont des facteurs de stress et notre système nerveux est soumis à rude épreuve. Or notre cerveau, cet étonnant organe qui pèse moins de 5% de notre poids, consomme à lui seul 60% de notre énergie, sans jamais d’interruption et les glucides sont sa principale source énergétique. Entre le cerveau et le sucre, l’histoire est fusionnelle : la moindre hypoglycémie perturbe le fonctionnement des neurones et le « resucrage » devient une urgence. Le glucose est le seul glucide simple capable de franchir la barrière hémato-méningée, c’est-à-dire de passer du sang vers notre cerveau. En situation de stress, les sucreries, ces « douceurs », jouent souvent le rôle de réconfort, facile à obtenir, rapidement disponible et produisant sur le système nerveux un effet quasi instantané de sédation.

 

Mais la surconsommation de glucides raffinés déclenche physiologiquement une sécrétion d’insuline, une hormone de stockage produite par les cellules bêta des îlots de Langerhans du pancréas, qui transforme les glucides en trop grande quantité dans le sang (hyperglycémie) en glycogène et triglycérides pour les stocker dans les muscles, le foie et la masse grasse. Cette transformation provoque une décroissance rapide du taux de glucides dans le sang, responsable d’une  hypoglycémie réactionnelle provoquant fringales, fatigabilité, hypersensibilité au stress ou une multitude de symptômes trompeurs. La consommation urgente de sucre devient la réponse la plus rapidement efficace à cette situation de crise. Une hypoglycémie réactionnelle se reproduit, le cercle vicieux s’installe. L’addiction au sucre devient menaçante et prépare la surcharge pondérale liée au stockage dans la masse grasse, l’hypersensibilité au stress liée aux hypoglycémies et les pathologies liées à l’excès d’insuline (cardio-vasculaires, métaboliques, inflammatoires, cancers …). Cette sécrétion d’insuline est intimement dépendante de l’index glycémique de l’aliment ingéré, chiffre reflétant l’impact de la consommation de cet aliment sur la rapidité et l’intensité de l’élévation de la glycémie. L’ingestion d’un  aliment à index glycémique élevé aura tendance à provoquer une sécrétion intense d’insuline (sucre de table, pain blanc, pommes de terre …), alors qu’un aliment à index glycémique faible aura un faible impact sur celle-ci (légumes secs, …).

Nous comprenons donc aisément qu’en situation de stress la consommation d’aliments sucrés, par l’effet « relaxant » qu’elle génère, apporte un mieux-être transitoire mais peut progressivement induire une perturbation du comportement alimentaire, une véritable addiction au sucre et une perversion de la perception de la faim. Le sucre appelle le sucre …

La sécrétion d’insuline a un rôle bien élucidé dans l’utilisation du glucose par nos cellules et dans son stockage dans les cellules graisseuses (les adipocytes). Mais son rôle est bien plus complexe et son action sur le cerveau, notamment au niveau de l’hypothalamus, fait qu’elle participe aux phénomènes complexes de la régulation de l’appétit et de la prise alimentaire, en parallèle de nombreuses autres substances telles que la leptine, l’adiponectine, la résistine ou la ghreline. En réponse à la production de ces médiateurs, présents à la fois dans notre tube digestif et dans notre cerveau, l’hypothalamus module l’activité de neurones induisant la prise alimentaire (neurones orexigènes) et celle de neurones signalant la satiété (neurones anorexigènes).

Les neurones captent et métabolisent le glucose sans le concours de l’insuline, ce qui a longtemps fait douter du rôle directe de celle-ci sur le cerveau, mais la découverte du passage hémato-encéphalique de l’insuline, les expériences réalisées avec injections d’insuline dans le cerveau, la meilleure connaissance des interactions dynamiques entre le tissu adipeux et le tissu nerveux, ont apporté un éclairage objectif sur les liens existant entre la consommation de glucides, les sécrétions d’insuline et de leptine, le fonctionnement du système nerveux et notamment de l’hypothalamus, le comportement alimentaire, la capacité de stockage, les performances intellectuelles (concentration, mémoire) …

Nos habitudes alimentaires, en induisant des variations de sécrétions de substances neuromédiatrices, activent ou inhibent certaines populations de neurones et modifient les informations fournies à notre hypothalamus, qui à son tour participe à l’élaboration de nos habitudes alimentaires.

Ainsi donc les habitudes alimentaires modernes sont-elles à la fois les conséquences et les actrices de l’évolution des comportements. Chacun de nous a un pouvoir quotidien sur ces phénomènes, à chacun de nos repas.

 

Le choix des glucides, la fréquence et la chronologie de leur consommation, l’association des aliments, peut induire un changement instantané et durable sur notre qualité de vie et de santé. Ainsi, privilégier les céréales complètes, les légumes secs et les fruits frais comme sources de glucides, les consommer avec modération, accompagnés de protéines de qualité ou d’acides gras afin de minimiser l’index glycémique du repas, en favorisant les cuissons lentes et douces, les temps de repas préservés avec un temps de mastication respecté, sont des moyens que chacun de nous peut utiliser pour retrouver, face au tourbillon  de la vie moderne, l’équilibre et la sérénité que notre alimentation doit aussi nourrir.

 

Dr Eric Sannier

Lexique :

  • indice (ou index) glycémique : critère de classement des aliments selon leur impact sur le taux de glucose dans le sang (glycémie) après leur ingestion. L’indice glycémique d’un aliment est donné par rapport à un produit de référence, en Europe le glucose, auquel on attribue l’indice 100. L’indice glycémique est dit faible en-dessous de 35, moyen de 35 à 50 et élevé au-delà de 50. Cette notion est intéressante mais purement qualitative car ne prend pas en compte la quantité d’aliment ingérée. Elle varie selon le degré de mûrissement de l’aliment, son mode de conservation et de cuisson.
  • charge glucidique (ou glycémique) : La charge glycémique (CG) d’un aliment se calcule en multipliant la quantité de glucides contenue par son indice glycémique, divisée par 100. La charge glycémique ainsi obtenue reflète  l’impact réel des aliments sur l’organisme. Une charge glucidique inférieure ou égale à 10 est dite faible, moyenne de 11 à 19 et forte à partir de 20.
  • Ghréline : hormone produite essentiellement par les cellules du fundus de l’estomac et partiellement par les cellules epsilon du pancréas, mais aussi par l’hypothalamus. Elle stimule l’appétit (hormone orexigène) et la production d’hormone de croissance. Sa production augmente avant les repas et diminue ensuite. Elle est antagoniste de la leptine.
  • Leptine : hormone sécrétée par le tissu adipeux, provoquant la sensation de satiété (hormone anorexigène) et participant à la régulation des réserves graisseuses.
  • Adiponectine : hormone produite par le tissu graisseux et participant à la régulation du métabolisme des glucides.

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4 Commentaires

  1. Merci pour cet article très détaillé et en même temps relativement accessible.

  2. Un très bon article ! merci

  3. Merci pour cet article! J’ai appris beaucoup de choses grâce à lui. Je suis encore plus motivée à adopter une alimentation saine et équilibrée.

  4. Merci beaucoup pour vos informations tres utiles. Cela devrait être enseigné dans les écoles.

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