Si vous êtes amateur du petit noir et soucieux de l’environnement, sans doute vous êtes-vous déjà posé cette question. Une étude de 2013 a voulu estimer l’impact écologique de la production de café1. Elle a été évaluée à 4,98 kg EqCO2 par kg de café issu du Costa Rica, dont 3,05 kg EqCO2/kg lié à la torréfaction et à la distribution en Europe et 1,93 kg pour le transport et la production. Ces résultats peuvent bien entendu varier en fonction du lieu de culture du café et de consommation. Mais ils ont le mérite de dessiner une tendance. En sachant qu’un café nécessite en moyenne 7g de poudre, l’empreinte par petit noir est donc de 0,035 kg EqCO2.
L’impact écologique de la production de café selon son mode de préparation
Roland Hischier du Laboratoire fédéral Suisse d’essai des matériaux et de recherche (Empa), a voulu aller plus loin dans cet analyse. Il a évalué l’impact écologique global du café selon le mode de préparation2. Il a en effet analysé les effets de l’origine du café et de la méthode utilisée (café en capsule, cafetière italienne, café filtre, café soluble) sur l’empreinte environnementale. Selon cet expert, le critère déterminant n’est pas le mode de préparation. C’est la méthode de culture (y compris la production des engrais). Elle pourrait influencer de 1 à 70% l’impact global, 55% en moyenne selon l’institut Öko en Allemagne. Ce résultat justifie donc d’autant plus de privilégier des filières responsables. Concernant la méthode de préparation du café, le choix de la machine à café représente environ 25% de l’empreinte environnementale, mais il n’existe pas de méthode objective et exhaustive du chiffrage de l’impact. La solution la plus économique reste d’utiliser une cafetière à l’italienne ou la traditionnelle cafetière à filtre (ou du café soluble, mais moins intéressant pour la santé du fait de sa méthode de fabrication, concentrant les teneurs en acrylamide). Autre point important : à condition de ne pas la laisser brancher en dehors de son moment d’utilisation. Le recours à une capsule présente certes l’avantage de limiter la quantité de café au strict nécessaire (environ 7g/tasse) mais elle demeure le système le plus impactant.
Quid des pesticides
Concernant la teneur en pesticides dans les cafés, il existe peu de données sur le sujet. Il semblerait que la teneur résiduelle soit faible, hormis quelques traces de lindane et de chloropyrifos dans le café vert. Une étude japonaise ayant analysé 1866 échantillons a conclu que « seulement » 0,3% présentaient des taux supérieurs à la limite autorisé (notamment du DDT) et que la torréfaction a permis de totalement les supprimer3. Ce que confirment les études évaluant l’impact de la torréfaction sur les valeurs résiduelles de pesticides4. L’utilisation de gaz (bromure de méthyl, basamid) pour conserver le café une fois récolté semble la source principale de contamination. Des concentrations en pesticides dans la toile de jute des sacs ont été retrouvées dans des quantités 100 fois plus importantes que dans le café vert. Un des principaux risques de contamination sanitaire par le café reste les mycotoxines, en particulier l’ochratoxine A (OTA) produite par Aspergillus et Penicillium en fonction des conditions de stockage. Les taux les plus élevés ont été observés dans des café robusta et arabica non lavés en provenance des pays d’Afrique (58,3% des échantillons) et d’Asie (11,1%).
Les risques de contamination du café en HAP
Un autre point important à considérer concernant les risques de contamination du café est sa teneur en hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), dont le benzo[a]pyrène cancérogène. Le café peut contenir jusqu’à 13 HAP différents5. Ils peuvent provenir soit d’une contamination lors du séchage, notamment sur les bords de route au contact des gaz d’échappement des voitures, soit de la torréfaction. La durée et la température sont alors déterminantes6. Lorsque le café subit une torréfaction foncée voire brûlée, les teneurs en benzo[a]pyrène peuvent dépasser la dose journalière maximale recommandée7. Ainsi, le meilleur conseil que je puisse vous proposer est découvrir un torréfacteur près de chez, connaisseur de son métier et des origines du café qu’il utilise (y compris de la durée et des conditions de stockage), maîtrisant la torréfaction. C’est en échangeant avec lui que vous aurez certainement les meilleures réponses à vos questionnements. Le principe de confiance prévaut donc !
Quelle consommation de café dans le futur ?
La vraie question à se poser concernant le café est de savoir pendant combien de temps allons-nous pouvoir continuer à en boire ? Il existe plus de 80 variétés de café (Typica, Maragogype, Bourbon, Blue Mountain ou Mundo Novo, etc.), l’arabica est le plus consommé au monde (marché de 16 milliards de dollars) mais aussi le plus menacé. A en croire certains experts, le café issu de récolte sauvage pourrait disparaître d’ici 2080 du fait d’un champignon (provoquant la rouille orangée), mais surtout à cause du réchauffement climatique et de la déforestation. Selon une étude de Janvier 2019 portant sur 124 variétés de cafés sauvages présents dans plusieurs forêts d’Afrique, 75 sont ainsi directement menacées, dont 13 en danger critique d’extinction8. En Tanzanie, chaque degré de hausse de température générerait une perte d’environ 137 kg de café par an et par hectare. La productivité aurait déjà chuté de 50% depuis 50 ans dans ce pays. Une étude parue en 2017 évalue quant à elle la baisse de production mondiale de 73 à 88% en 2050 si nous atteignons un réchauffement climatique de 2°c. Le robusta, comme son nom l’indique, résiste mieux mais est aujourd’hui moins apprécié des amateurs. Peut-être faut-il accepter que ce soit le café de référence de demain… Par ailleurs, la moitié du café consommé dans le monde est déjà cultivée industriellement en mettant le café en plein soleil, au Brésil et en Afrique notamment. Or une telle exposition, associée au réchauffement climatique, nécessite l’utilisation de grandes quantités de pesticides. Le développement de l’agro-écologie permettrait pourtant de cultiver des caféiers à l’ombre, comme c’était le cas historiquement, en croisant notamment des variétés sauvages résistantes et de cultures. Le Mexique développe par exemple ses recherches en ce sens.
Anthony Berthou
(1) [PDF] Carbon Footprint across the Coffee Supply Chain: The Case of Costa Rican Coffee | Semantic Scholar https://www.semanticscholar.org/paper/Carbon-Footprint-across-the-Coffee-Supply-Chain%3A-of-Bernard-Killian/38fb5407ae59ae2cea459ca97bb6d3daff52e431 (accessed Dec 15, 2019).
(2) L’écobilan des capsules de café sous la loupe: C’est le café qui est décisif https://www.admin.ch/gov/fr/start/dokumentation/medienmitteilungen.msg-id-39078.html (accessed Dec 15, 2019).
(3) Durand, N.; Gueule, D.; Fourny, G. Les contaminants du café. Cahiers Agricultures 2012. https://doi.org/Les contaminants du café. Durand Noël, Gueule Dominique, Fourny Gérard. 2012. Cahiers Agricultures, 21 (2-3) : 192-196.http://dx.doi.org/10.1684/agr.2012.0551 <http://dx.doi.org/10.1684/agr.2012.0551>.
(4) Sakamoto, K.; Nishizawa, H.; Manabe, N. Behavior of pesticides in coffee beans during the roasting process. Shokuhin Eiseigaku Zasshi 2012, 53 (5), 233–236. https://doi.org/10.3358/shokueishi.53.233.
(5) Orecchio, S.; Ciotti, V. P.; Culotta, L. Polycyclic Aromatic Hydrocarbons (PAHs) in Coffee Brew Samples: Analytical Method by GC-MS, Profile, Levels and Sources. Food Chem. Toxicol. 2009, 47 (4), 819–826. https://doi.org/10.1016/j.fct.2009.01.011.
(6) Houessou, J. K.; Maloug, S.; Leveque, A.-S.; Delteil, C.; Heyd, B.; Camel, V. Effect of Roasting Conditions on the Polycyclic Aromatic Hydrocarbon Content in Ground Arabica Coffee and Coffee Brew. J. Agric. Food Chem. 2007, 55 (23), 9719–9726. https://doi.org/10.1021/jf071745s.
(7) Houessou, J. K. Polycyclic aromatic hydrocarbons in coffee: development of analytical methods and study of the roasting process. 272.
(8) High extinction risk for wild coffee species and implications for coffee sector sustainability | Science Advances https://advances.sciencemag.org/content/5/1/eaav3473 (accessed Dec 15, 2019).
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