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Pourquoi s’intéresser à votre statut en micronutriments ?

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Sommaire

Pour aller à l’essentiel

  • Les micronutriments représentent les molécules apportées par l’alimentation sans valeur calorique mais jouant des rôles essentiels au bon fonctionnement de notre organisme. Ils incluent les vitamines, les minéraux, les oligo-éléments et des principes actifs appelés mésonutriments. 
  • De nombreux facteurs peuvent altérer la qualité nutritionnelle initiale d’un aliment : le mode de culture, d’élevage ou de production, la transformation, distribution, conservation, le mode d’utilisation, de cuisson, la qualité de la mastication, de la digestion et la capacité d’assimilation. Il est donc impossible de prédire la quantité de micronutriments exacte à partir d’une base de données théorique ou selon le principe que l’on mange « varié et équilibré ». Les besoins en micronutriments peuvent par ailleurs fortement varier d’un individu à l’autre.
  • Principaux rôles des micronutriments :
    • Fonctionnement des voies énergétiques de l’organisme.
    • Régulation du fonctionnement cérébral et des neuromédiateurs. 
    • Qualité et fonctionnalité des tissus de l’organisme (peau, muscles, os, etc.).
    • Contrôle de l’inflammation.
    • Équilibre du microbiote.
  • Vitamines  

Il existe 2 catégories de vitamines qui interviennent dans de nombreuses réactions enzymatiques et en tant qu’antioxydants.

    • Les vitamines hydrosolubles : C et vitamines du groupe B.
    • Les vitamines liposolubles : A, D, E, K.
  • Minéraux et oligoéléments, dont les principaux sont le fer, magnésium, calcium, zinc, sodium, phosphore, silicium, sélénium, manganèse, etc.
  • Principes actifs végétaux et mésonutriments 

Antioxydants, probiotiques, acides aminés, oméga 3, extraits végétaux, etc. 

  • La matrice alimentaire 

Elle représente l’environnement dans lequel une molécule est intégrée. La matrice alimentaire est essentielle car en fonction de cet environnement, une molécule peut avoir des effets différents et l’efficacité des micronutriments en dépend. La valeur nutritionnelle d’un aliment est souvent considérée, à tort, comme une addition de micronutriments et de macronutriments. Or la matrice détermine en grande partie la façon dont ces nutriments vont être assimilés et dont ils vont agir sur l’organisme.

  • L’association de plusieurs nutriments peut aussi entraîner des effets contraires ou antagonistes par compétition entre eux. 

Une insuffisance modérée en un composé peut être à l’origine d’un déficit qui se traduit par des signes fonctionnels ou symptômes. Par contre une insuffisance plus importante, on parle alors de carence, induit de véritables pathologies telles que le scorbut, le béribéri ou encore l’anémie. A l’inverse, un excès peut être néfaste au fonctionnement cellulaire.

 

Le terme de micronutriments inclue toutes les molécules jouant des rôles essentiels au maintien d’un état de bonne santé mais ne possédant pas ou très peu de valeur calorique. On parle ainsi de vitamines, minéraux, oligo-éléments et des principes actifs désormais appelés mésonutriments.

La teneur de votre alimentation en micronutriments est déterminante pour votre santé. Pendant des années, et malheureusement encore parfois, la nutrition a pourtant été reléguée à une simple vision calorique de l’alimentation. Votre métabolisme et votre mode de vie modifient grandement vos besoins en micronutriments.  Contrairement à ce qui est régulièrement dit, il est impossible de garantir un équilibre nutritionnel optimal simplement en mangeant « varié et équilibré » ou en vérifiant que votre poids est stable. Vos besoins individuels ne peuvent pas se déterminer à partir de simples recommandations théoriques.

Manger varié suffit-il à satisfaire vos besoins en micronutriments ?

De nombreux facteurs peuvent altérer la qualité nutritionnelle initiale d’un aliment. Avant même qu’il arrive dans votre assiette, l’aliment que vous consommez a déjà perdu une partie des micronutriments qu’il contenait initialement. La façon dont il est cultivé ou élevé, produit, transformé, distribué ou encore conservé détermine sa qualité nutritionnelle. Et ce n’est pas tout. La façon dont vous découpez et cuisez vos aliments intervient également, sans compter sur la qualité de votre mastication, de votre digestion et votre capacité à bien assimiler les nutriments qu’ils contiennent. Une fois la barrière intestinale franchie, ces nutriments vont encore être soumis au transport sanguin et à la capacité de vos cellules à bien les incorporer. Un véritable parcours du combattant !

La question de la composition nutritionnelle des aliments est déterminante et multidimensionnelle. Elle renvoie à des réflexions beaucoup plus globales de l’incidence de notre mode de vie, des modes de culture, d’élevage et de transformation des aliments sur notre état de santé et celle de la planète.

Votre production d’énergie

Vous pouvez manger autant de calories que vous le souhaitez, si vos cellules ne parviennent pas à les transformer de manière optimale en énergie cellulaire (l’ATP) grâce aux micronutriments, elles ne produiront pas un rendement physiologique optimal. Imaginez que vous fassiez le plein de votre réservoir de voiture pour espérer bénéficier d’un rendement énergétique optimal alors que votre moteur manque d’huile, cet afflux d’énergie serait totalement inutile.

La régulation du fonctionnement cérébral et de vos neuromédiateurs

Ces précieuses molécules assurant la transmission des informations nerveuses sont directement fabriquées à partir de nutriments issus de votre assiette, à l’image du tryptophane précurseur de la sérotonine ou de la tyrosine pour la dopamine.

La bonne santé de l’ensemble des tissus de votre organisme

Lorsque vous croquez une pomme ou tout autre aliment, celui-ci va subir de nombreuses étapes de digestion et de transport pour en extraire tous les micronutriments utiles à vos cellules, qui vont alors les utiliser sous le contrôle de votre code génétique. Je ne le répéterai jamais assez : nous sommes ce que nous décidons de manger. Ainsi, lorsque la qualité de votre peau ou de vos cheveux est altérée, lorsque vous vous déminéralisez ou que vous avez du mal à cicatriser, votre état micronutritionnel peut en être la cause, au moins en partie.

Le maintien d’une inflammation positive au sein de votre organisme

L’inflammation est au cœur de votre santé, nous l’avons évoqué en introduction, mais elle doit demeurer locale et ponctuelle.  Vos cellules doivent pouvoir en garder le contrôle, nous y reviendrons en détails.

L’équilibre de votre second cerveau, le microbiote intestinal

Peut-être le saviez-vous déjà, vous possédez plus de 200 millions de neurones dans votre intestin. Et ce n’est pas tout… En effet, de nouvelles études scientifiques démontrent chaque jour davantage les rôles de l’écosystème intestinal sur l’immunité, le comportement, l’obésité ou encore les risques de diabète. Bien équilibré, votre microbiote vous offre un confort digestif optimal, vous permet de bien assimiler les nutriments, limite l’implantation de bactéries pathogènes, régule votre humeur et permet à votre immunité d’être au « top » de ses qualités. Et bien d’autres atouts que la science commence juste à découvrir. Nous y reviendrons en détails lors du chapitre dédié.

En clair, couvrir vos besoins quotidiens en micronutriments, c’est optimiser naturellement vos performances, aussi bien intellectuelles que physiques. Mais c’est surtout prendre soin de votre santé en permettant à vos cellules d’exprimer leur plein potentiel grâce à leurs extraordinaires capacités.

Les différents micronutriments

Les vitamines

On distingue les vitamines hydrosolubles (C, B1, B2, B3, B5, B6, B8, B9 et B12) des vitamines liposolubles (A, D, E, K). Elles interviennent essentiellement en tant que cofacteurs des réactions enzymatiques, antioxydants et dans des situations spécifiques. La vitamine D contribue par exemple à bien fixer le calcium au niveau de la trame osseuse alors que la vitamine K intervient dans la coagulation sanguine.

Vitamines hydrosolubles Référence Nutritionnelle pour la population
Homme Femme
B1 1,5 mg 1,2 mg
B2 1,8 mg 1,5 mg
B3 1,6 mg 1,6 mg
B5 5,8 mg 5,8 mg
B6 1,8 mg 1,6 mg
B9 330 µg 339µg
B12 4 µg 4 µg
C 110 mg 110 mg

Référence Nutritionnelle en vitamines pour la population française adulte de plus de 18 ans 1

Vitamines liposolubles Référence Nutritionnelle pour la population
Homme Femme
A 750 µg 650 µg
E 10,5 mg 9,9 mg
D 15 µg 15 µg
K 120 µg 90 µg

Référence Nutritionnelle en vitamines pour la population française adulte de plus de 18 ans 1

Les minéraux et les oligo-éléments

14 minéraux et oligo-éléments sont régulièrement évoqués en nutrition humaine (voir tableau). La différence entre ces deux catégories réside avant tout dans les quantités nécessaires au maintien du bon fonctionnement de l’organisme. Les besoins quotidiens en minéraux sont présents à hauteur de plusieurs milligrammes, voire centaines de milligrammes alors que quelques microgrammes d’oligo-éléments peuvent suffire2. Les concentrations de la plupart des minéraux et des oligo-éléments sont régulées par des mécanismes complexes impliquant des facteurs hormonaux, génomiques et métaboliques.

Minéraux Référence Nutritionnelle pour la population
Homme Femme
Calcium 950 mg 950 mg
Phosphore 700 mg 700 mg
Magnésium 420 mg 360 mg
Sodium 8 g 6,5 g
Fer 11 mg 11-16 mg
Zinc 9,4-14 mg 7,5-11 mg

Référence Nutritionnelle pour la population des principaux minéraux et oligo-éléments pour la population française adulte de plus de 18 ans 1

Oligo-éléments Référence Nutritionnelle pour la population
Homme Femme
Cuivre 1,3 mg 1,0 mg
Iode 150 µg 150 µg
Sélénium 70 µg 70 µg
Manganèse 2,8 mg 2,5 mg
Chrome 65 µg 50 µg

Référence Nutritionnelle pour la population des principaux minéraux et oligo-éléments pour la population française adulte de plus de 18 ans1 

Principes actifs végétaux et mésonutriments

Les mésonutriments se définissent par tout composé présent dans les aliments ou les plantes et exerçant un effet sur l’organisme. On peut ainsi citer les antioxydants, les probiotiques, les acides aminés, les oméga 3 ou encore les extraits végétaux3.

Molécules à effet physiologique Sources Effets
Gingérol Gingembre Anti-vomitif, anti-inflammatoire
Curcumine Curcuma Anti-inflammatoire
Sulforaphane Brocolis Fonctionnement du foie, lutte contre les mécanismes de la cancérogénèse
Isoflavone de soja Soja, lin, seigle
Quercetine  Oignon Cardio-protecteur, soutien de l’immunité innée et acquise. L’ail possède par ailleurs une activité fongicide importent
Aillicine  Ail
Lycopène Tomate Antioxydant protecteur contre le cancer de la prostate et de l’estomac
Lutéine Myrtilles Antioxydant protecteur contre la cataracte et la DMLA (Dégénérescence Maculaire Liée à l’Age)
Anthocyanes Fruits rouges Antioxydants protecteurs cardio-vasculaires et contre les maladies dégénératives, y compris le déclin cognitif

Exemples de mésonutriments et de leurs principes actifs

Notre alimentation est-elle plus pauvre en micronutriments qu’avant ?

Paléolithique Occidental (USA) Différentiel (%)
Vitamines (mg/1000 kcal)
              Vitamine C 201 24 +837,5
              Vitamine B1 1,3 0,5 +260
              Vitamine B2 2,16 0,6 +360
              Folates 0,12 0,08 +150
              Bêta-carotène 1,85 1,1 +168
              Vitamine A 5,74 2,12 +270
              Vitamine E 10,9 3,5 +311
Minéraux (mg/1000 kcal)
                Fer 28,5 4,9 +581
                Calcium 653 392 +166
                Zinc 14,5 5,3 +274
                Sodium 256 à 768 1 882 -245 à 735
                Potassium 3 500 1 177 +297
Rapport Sodium/Potassium 0,07 1,6 +2285

Comparaison des apports en micronutriments entre la période Paléolithique et actuel selon le modèle alimentaire moyen aux USA (d’après B. Eaton4-7)

L’effet « matrice »

Nous souffrons dans le monde de la nutrition du même symptôme que dans celui du médicament allopathique : le raisonnement « symptomatique ». En effet, depuis que la science nutritionnelle a été initiée, il existe des compositions nutritionnelles pour chaque aliment. Celui-ci va par exemple contenir X mg de vitamine C, B1 et B6, X mg de magnésium et de zinc, etc. De telles données apparaissent justes, il ne s’agit pas de le remettre en question. Non, l’erreur se situe ailleurs. On considère l’aliment comme une addition de calories, des vitamines et des minéraux considérés pour le qualifier de bon ou de mauvais.

Il s’agit alors d’une vision réductionniste, voire parfois caricaturale. En effet, les micronutriments présents dans l’aliment (au même titre que les macronutriments) sont intégrés dans une matrice alimentaire et associés à d’autres micronutriments. Or cette matrice et ces interactions peuvent modifier fortement l’assimilation intestinale des nutriments. Nous commençons tout juste à comprendre et à analyser ces éléments, pourtant essentiels. Ma pensée est que nous devrions développer ce raisonnement holistique encore plus loin, à savoir considérer l’aliment dans sa globalité pour le classer. Par exemple, au regard de l’ensemble des nutriments présents dans une myrtille, cette dernière apparait comme un aliment de haute qualité. Si vous portez votre attention sur la teneur en sucres, elle en contient, elle pourrait donc être considérée comme un aliment à surveiller. Pour autant, la nature de ce sucre, son association aux fibres ralentissant son assimilation, la présence d’antioxydants et autres micronutriments en font un aliment d’une très haute qualité nutritionnelle. De même, une huile de colza contient par définition énormément de graisses, mais aussi de précieux oméga 3 dont la plupart de la population manque cruellement.

La notion de matrice est essentielle. De nombreuses études ont montré que les micronutriments proposés sous forme de complément alimentaire présentent des différences d’efficacité importante par rapport aux mêmes quantités apportés par des aliments alors que la forme moléculaire apparait identique. A titre d’exemple, le resvératrol est un antioxydant qui a été reconnu pour ses effets préventifs contre les risques cardio-vasculaires, notamment chez les personnes diabétiques. Pour autant, il est aujourd’hui démontré que ce n’est pas le resvératrol seul qui est efficace, mais davantage la synergie d’antioxydants présents dans les aliments en contenant de fortes quantités.

Le resvératrol du raisin plus efficace que celui présent dans les compléments alimentaires ?

Le resvératrol est bien connu pour ses propriétés antioxydantes. Il fait partie des nutriments mis en avant dans le cadre du french paradox et de l’intérêt possible du vin sur la santé cardio-vasculaire.  Toutefois, la présence du resvératrol dans le sang est fugace, elle est maximale environ 30 minutes après ingestion, avant de subir un cycle de métabolisation intense dans le foie qui va l’éliminer pour 75% via les urines et les fèces. Sa véritable action thérapeutique ne dure ainsi qu’une heure maximum.  À défaut de pouvoir mesurer le resvératrol dans le sang, il est possible de mesurer ses métabolites dans les urines récoltées pendant 24h. Une étude prospective a été menée sur une période de 9 ans (1998-2009). Elle a intégré un échantillon de 783 participants (hommes et femmes de plus de 65 ans), habitant 2 villages dans la région de Chianti en Italie (les personnes qui buvaient plus de 4 verres de vin par jour ont été exclues pour éviter l’action potentielle de l’excès d’alcool). Le résultat n’a pas montré de corrélation directe entre les consommation de vin rouge et les risques cardio-vasculaire (du quartile le plus bas au plus élevé des taux de métabolites de resvératrol dans les urines, les pourcentages de décès étaient de 34,4%, 31,6%, 33,5% et 37,4% respectivement)8,9.

De nombreuses études ont par ailleurs comparé les effets du resvératrol consommé dans une poudre de raisins comparativement aux mêmes quantités prises sous forme de complément alimentaire. A en déplaire aux laboratoires, la poudre de raisins a démontré une meilleure efficacité, notamment grâce à l’action synergique d’autres antioxydants tels que les catéchines, les procyanidines, les flavonols, les anthocyanes ou encore le lycopène. Par ailleurs, la quercétine réduit la sulfatation du resvératrol, augmentant ainsi son activité biologique. Néanmoins, dans le cadre d’états pathologiques avancés, le resvératrol seul pourrait être plus efficace en cas de recours à des doses supra-physiologiques10. Une autre étude a comparé l’effet anti-carcinogène du resvératrol, de la quercétine et de l’acide ellagique pris seuls ou ensemble. Les résultats montrent une efficacité plus importante en cas de prise de resvératrol et d’acide ellagique11.

 

Autres exemples :

  • La présence d’antioxydants dans le miel explique en partie l’index glycémique plus faible de cet aliment, indépendamment de la nature des glucides. La quercétine et les flavonoïdes (des antioxydants) réduisent l’assimilation du glucose par certains récepteurs intestinaux (les GLUT2)12,13. Il en est de même pour les fruits.
  • La vitamine C consommée dans un aliment présente des propriétés synergiques avec les autres antioxydants, notamment les flavonoïdes. Il est donc séduisant pour les laboratoires de compléments alimentaires de vendre des produits associant vitamine C et flavonoïdes. Or cette synergie ne présente pas d’efficacité dans un tel contexte12,14.
  • La spiruline est une algue particulièrement riche en oligo-éléments et en minéraux. Toutefois, rapporté à la quantité consommé (de quelques centaines de milligrammes à quelques grammes au mieux), les teneurs en micronutriments sont faibles. Pour autant, les effets bénéfiques de cette algue sont reconnus15. L’organisation moléculaire de cette algue, notamment la présence de polysaccharides sulfatés, semble expliquer en partie cette haute assimilation.
  • La vitamine E est une vitamine aux propriétés antioxydantes puissantes. Elle est présente sous huit formes différentes dans la nature, ce que l’on nomme des isomères. L’α-tocophérol est l’isomère présentant l’activité biologique la plus élevée alors que le γ-tocophérol possède une activité correspondant à environ à 40% de celle de l’α-tocophérol. De nombreux compléments alimentaires proposent alors des produits à base d’α-tocophérol uniquement. Or, présent en trop forte proportion par rapport au γ-tocophérol, il induit une fuite biliaire de ce dernier.

Je pourrais ainsi démultiplier les exemples. La nature est parfaitement bien organisée, fabuleusement bien faite. Raisonner selon un principe mathématique d’addition en matière de nutrition est une profonde erreur, malheureusement bien présente y compris dans le monde scientifique. Nous parlons ici des micronutriments, mais ce raisonnement vaut également dans le cadre de l’ultra-transformation des produits agro-alimentaires. Ces derniers perdent ainsi nombre de leurs propriétés, voire génèrent des composés néfastes à la santé, à l’image des acides gras trans produits à partir d’acides gras insaturés lors de la modification de la texture des huiles végétales pour fabriquer des margarines. Nous aurons l’occasion d’y revenir longuement.

L’objectif est ici de vous sensibiliser à l’importance de cet effet « matrice » concernant l’assimilation des micronutriments présents dans les aliments, non de comparer l’efficacité des compléments alimentaires versus celle des aliments. Concernant ce dernier point, je le développerai dans les vidéos dédiées aux micronutriments concernés.

L’effet d’antagonisme

Les micronutriments peuvent être sujets à un effet antagoniste. Certaines vitamines ou oligo-éléments entrent en compétition d’assimilation intestinale. Par exemple, une supplémentation combinée en fer et en zinc peut réduire l’assimilation intestinale du zinc (du fait d’une liaison concurrente avec DMT1 et le transporteur Zip14)16. Une étude effectuée chez l’homme a ainsi mis en évidence un effet inhibiteur du zinc sur l’absorption du fer lorsque les deux minéraux sont administrés ensemble en cas de jeûne11. Plus exactement, le fer présent à faible dose (0,5mg), entre en compétition avec le zinc lorsque celui est apporté en quantités 5 fois supérieures. A des doses plus élevées de fer (10 mg), cette inhibition apparait dès lors que le zinc est apporté dans les mêmes quantités de fer.

Autre exemple, le calcium et le magnésium. Une étude a mis en évidence qu’un supplémentation conjointe de magnésium et calcium (250 mg et 15 mg respectivement) réduit de 23 % l’absorption du calcium17.

Quelle est la différence entre un déficit et une carence ?

Il n’existe pas de seuil précis distinguant le déficit de la carence. De manière usuelle, le déficit définit un manque dans le nutriment étudié par rapport aux besoins de base et pouvant être à l’origine de manifestations fonctionnelles. A titre d’exemple, un déficit en magnésium peut expliquer une fatigabilité nerveuse ou fatigue, des fourmillements ou des tremblements, des troubles du sommeil ou encore des impatiences dans les jambes. Pour autant le manque n’est pas suffisant pour être à l’origine d’une pathologie spécifique. La carence définit elle cet état de déficit suffisamment avancé pour induire un trouble majeur de santé. Ainsi, une carence en vitamine C peut provoquer le scorbut, de même qu’une carence en vitamine B1 provoque le béri-béri. Actuellement en France, hormis dans les situations spécifiques de défaut d’assimilation (comme dans le cadre d’une chirurgie de l’obésité concernant la vitamine B12 par exemple), de défaut d’apports alimentaires (cas du fer par exemple lors d’une anémie ferriprive) ou d’augmentation des besoins (augmentation des besoins en vitamine du groupe B en cas d’alcoolisme chronique), la plupart de la population est davantage sujette aux déficits qu’aux carences nutritionnelles. A titre d’information, le zinc, le fer et la vitamine A font partie des micronutriments dont les états de carence sont avérés dans les populations de pays souffrant de malnutrition.

Ni trop, ni trop peu

Nous venons d’évoquer l’existence possible d’altération de l’état de santé en cas de déficit ou de carence d’apport de micronutriments. Toutefois, un excès peut parfois apparaitre tout aussi délétère.


Reprenons l’exemple du resvératrol. A faible dose, les effets du resvératrol peuvent s’expliquer par un mécanisme spécifique « l’effet hormèse » (voir l’article sur le pilier mitochondrial). Paradoxalement, c’est en favorisant le stress oxydatif que le resvératrol agit positivement, induisant par ce mécanisme une augmentation des capacités de protection cellulaire (ce point nous ramène à ce que je vous ai indiqué en introduction de l’académie de la nutrition concernant le besoin de créer une inflammation locale et contrôlée pour stimuler les mécanismes positifs d’adaptation cellulaire). En d’autres termes, le resvératrol est certes un antioxydant, mais c’est son activité pro-oxydative à faible dose qui induit un effet positif au niveau cellulaire. A l’inverse, à forte dose, la réponse à une telle stimulation altère la viabilité cellulaire18.

L’effet hormétique du resvératrol18

Autre exemple. Une méta-analyse a mis en évidence que l’ingestion prolongée de dose élevée de vitamine A (9,8 mg) à la fois seule ou en association avec d’autres vitamines (vit. C > 800 mg et Vit. E > 15mg) ne présente non seulement aucun effet préventif, mais peut au contraire augmenter les risques de cancer du poumon chez les personnes présentant des facteurs de risque (fumeurs et travailleurs exposés à l’amiante)19. L’étude CARET20 a notamment mis en avant qu’une supplémentation quotidienne de 30 mg de bêta-carotène et de 25 000 UI de vitamine A augmentait de 28% le risque de cancer de poumon  chez les fumeurs mais aussi chez les ex-fumeurs par rapport au groupe placebo. Cette affirmation a été confirmé par l’étude ATBC21 mené auprès d’une population importante (30 000 fumeurs ayant vu leur risque de cancer du poumon augmenter de 16% de suite à une supplémentation journalière de 20 mg de bêta-carotène). A l’inverse, une autre étude randomisée et réalisée à partir d’un panel de plus de 800 personnes ayant subi une ablation d’une tumeur bénigne du colon (ce que l’on nomme des polypes) a analysé les effets d’une supplémentation de 25 mg de bêta-carotène journalière pendant 4 ans. Cet apport  a permis de diminuer de près de 50% le risque de récidive chez les non-fumeurs et les non buveurs d’alcool22.

Un autre exemple bien connu est celui du fer. En cas d’anémie ferriprive (d’effondrement des réserves en fer), la consommation de fer, si possible sous forme alimentaire sinon sous la forme d’une supplémentation de qualité, est nécessaire. A l’inverse, l’excès de consommation de fer et le recours à une supplémentation de ce minéral sous forme libre provoque un excès pro-oxydatif majeur et est donc fortement déconseillé (voir la vidéo dédiée au Fer).

Nous pourrions ainsi développer de nombreux exemples et nous aurons d’ailleurs l’occasion de les aborder dans les vidéos spécifiques à chaque micronutriment. J’espère que vous aurez d’ores-et-déjà compris que, comme nous l’évoquons depuis le début de l’académie de la nutrition, tout est une question d’équilibre !

Anthony Berthou

Sources :

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  3. Bioactive Compounds as Ingredients of Functional Foods: Polyphenols, Carotenoids, Peptides From Animal and Plant Sources New. Bioactive Compounds. Published online January 1, 2019:129-142. doi:10.1016/B978-0-12-814774-0.00007-4
  4. Eaton SB, Eaton Iii S, Konner MJ. Review Paleolithic nutrition revisited: A twelve-year retrospective on its nature and implications. European Journal of Clinical Nutrition. 1997;51(4):207–216. doi:10.1038/sj.ejcn.1600389
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